Caractèristiques des bandes dessinées japonnaises

Techniquement parlant, les mangas sont presque toujours en noir et blanc. En effet, ils sont la plupart du temps publiés dans un premier temps dans des revues peu coûteuses, sur du papier recyclé, et souvent seules les premières pages de la revue (correspondant à une mise en avant d'une série particulière) ont droit à la couleur. C'est ainsi que l'on retrouve parfois des pages en couleur au beau milieu des œuvres éditées par la suite séparément.

Notons au passage que les mangas comptent souvent un nombre de pages (de planches) très importants. À titre d'exemple, une BD européenne contiendra une quarantaine de planches quand le manga en comptera plus d'une centaine, voire plus de deux cents. Par ailleurs, le manga est le plus souvent une série en plusieurs volumes. Au final, le nombre total de planches racontant une histoire dans un manga est beaucoup plus élevé que dans une BD à l'européenne (même s'il s'agit d'une série). Ceci affecte par conséquent beaucoup la structure du récit et sa narration. D'où des techniques propres au manga.

Le dessin, en général, est moins « statique » que dans les bandes dessinées occidentales. Le manga utilise un découpage temporel proche de celui du cinema , adoptant souvent ses cadrages et utilisant une décomposition du temps et de l'action. Les personnages ont souvent de grands yeux, ce qui permet de renforcer l'expressivité du visage. De nombreux codes graphiques sont utilisés pour symboliser l'état émotionnel ou physique d'un protagoniste. L'étonnement, par exemple, est souvent traduit par la chute du personnage ; l'évanouissement, par une croix remplaçant les yeux. Dans le manga City Hunter (connu à la télévision française sous le nom Nicky Larson), la colère de Kaori (Laura) est souvent traduite par l'apparition inopinée d'une énorme massue qu'elle assène sur la tête de son partenaire (ce gag est si répandu dans les mangas qu'un univers parallèle où seraient stockés les marteaux a été inventé).

Différence entre la réalité et sa transcription dans les mangas.

Il y a également une utilisation fréquente d'onomatopées relatives aux mouvements, actions ou pensées des personnages. Notons au passage que le japonais est beaucoup plus riche que le français en onomatopées et que leur champ d'application est plus large, incluant des concepts surprenants tels que l'onomatopée du sourire (niko niko), du silence (shiiin) ou encore du scintillement (pika pika, d'où le nom de Pikachu).

Une particularité à noter est que la plupart des personnages ont souvent des traits occidentaux, au-delà du simple tracé des grands yeux des personnages. Un samouraï roux, un exorciste aux yeux bleus ou une écolière blonde n'ont rien d'étonnant pour le lecteur japonais, même s'ils sont censés être japonais ou de culture japonaise. La simple nécessité de distinguer physiquement entre deux personnages ne suffit pas toujours à expliquer cet aspect de la narration, puisque certains mangaka choisissent de donner à tous leurs personnages un aspect purement japonais, sans que cela ne pose de problème à la compréhension de l'histoire. Certains y voient une façon d'afficher un attrait pour l'Occident, qui apparaît largement ailleurs dans la vie quotidienne au Japon.[réf. nécessaire]

Le tracé de grandes lignes pour exprimer le mouvement d'un personnage est peu utilisé dans la BD à l'européenne.

Les décors des scènes sont parfois moins fouillés que pour une bande dessinée occidentale. Cela peut aller jusqu'à faire évoluer les personnages dans un décor blanc. Ce parti pris a pour conséquence de focaliser l'attention du lecteur sur l'histoire en général et sur les dialogues en particulier. On note ainsi une certaine résurgence de l'aspect théâtral. Enfin, les personnages ont souvent des attitudes expressives à outrance : la colère, la jalousie ou la gêne se montrent facilement, alors que cette attitude est plutôt mal vue dans la culture japonaise, où le calme et la retenue sont de rigueur dans les rapports sociaux. Le passage de l'absurde et du comique au sérieux ou au drame, sans aucune transition, fait également partie de la narration, sans jamais susciter d'interrogation de la part du lecteur qui accepte par avance cette convention de lecture.

Une autre particularité est le jeu de l'auteur avec le lecteur. Ainsi, dans Rough, on peut voir les personnages faire de la publicité pour d'autres mangas de l'auteur, ou bien ramasser des phylactères tombés sur le sol. De manière générale, on peut noter une plus grande liberté quant à l'interaction entre les dessins et leur support (jeu avec les cadres, personnages sortant des cadres, etc.) Dans les mangas destinés à la jeunesse, les kanji, caractères chinois ou sinogrammes, sont souvent accompagnés de furigana pour faciliter la lecture. On retrouve souvent une mise en scène similaire employée au cinéma comme la plongée ou la contre-plongée, ainsi qu'une écriture très cinématographique.

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