Analyse du livre:

Lorsqu’un chêne, majestueux bien sûr, devient un univers immense peuplé de toutes sortes d’êtres qui en prennent la mesure ou la démesure… Une branche est une avenue, une feuille une place, une goutte d’eau une belle averse et la moindre larve prend une dimension monstrueuse !
Telle est l’idée maîtresse de ce très beau livre que l’on dévore de la cime aux racines.
Quand on fait la connaissance de Tobie, notre héros minuscule de treize ans qui ne mesure que quelques millimètres, on le trouve en fâcheuse posture : «Tobie était dans un trou d’écorce noire, une jambe abîmée, des coupures à chaque épaule et les cheveux trempés de sang. Il avait les mains bouillies par le feu des épines et ne sentait plus le reste de son petit corps endormi de douleur et de fatigue.» Il est poursuivi par une horde vociférante et ne parvient à échapper de justesse à ses poursuivants qu’en quittant les beaux quartiers du sommet de l’arbre où il a toujours vécu avec ses parents pour se réfugier vers les terres d’en bas, mal connues, mal définies, sur lesquelles on dit bien des choses, où rien ne serait sûr y compris la vie.


On comprend peu à peu pourquoi Tobie a dû s’expatrier : son père, Sim Lolness, un scientifique de grand renom, vient de faire une découverte d’importance qui pourrait modifier la conception du monde de l’arbre et contrecarrer les projets du Grand Conseil qui dirige la communauté sylvestre. En refusant de communiquer sa découverte, le père de Tobie devient un paria et la vie de sa famille est menacée. Voilà pourquoi l’adolescent se retrouve projeté du jour au lendemain et sans préparation aucune dans un univers rude, loin du cocon douillet dans lequel il a grandi : un bel appartement creusé par les charançons dans une branche élégante du sommet. Il se retrouve seul, pris dans un tourbillon d’aventures qui le dépassent parfois, au contact de personnages singuliers, fascinants ou mauvais. Il fait ainsi l’apprentissage de la vraie vie et élargit considérablement son horizon.

Timothée de Fombelle écrit ici son premier roman qui est un vrai bonheur de lecture. On est très rapidement séduit par l’univers qu’il met en place et par la manière dont il l’installe avec beaucoup de soin, de précisions et de poésie aussi. Il transforme un arbre banal en monde organisé, hiérarchisé, injuste aussi, avec des lois et des rebondissements qui ont à voir avec notre réalité. Au sommet de ce monde vivent les puissants, les riches, les dirigeants qui composent le peuple des cimes, tandis que les racines de l’arbre abritent les parias, les pauvres, les laissés pour compte de cette société. Cela lui permet d’aborder des sujets sensibles, qui sont ceux qui traversent notre société : immigration, injustice sociale, environnent, arbitraire de certaines décisions… L’arbre recèle aussi des territoires encore vierges, propices aux divagations et aux racontars de ceux qui n’ont pas le courage de les affronter. Le jeune héros, adolescent de toute petite taille, est un personnage fort, attachant, qui trouve en lui de véritables ressources et qui puise son courage et son énergie dans une volonté inébranlable de faire triompher le bien et la justice. Il est aidé et encouragé par Elisha, une jeune fille de son âge qu’il a rencontrée dans les Basses Terres.
Roman d’aventures, récit initiatique, réflexion écologique, chronique sociale, il y a de tout cela dans Tobie Lolness, texte foisonnant et riche, servi par une langue précise et élégante, qu’enfants et adultes peuvent également apprécier et dont on connaîtra le dénouement en 2007 (dans Les Yeux d'Elisha) si l’arbre est toujours debout d’ici là !
En attendant, il ne nous reste plus qu’à explorer les arbres de nos parcs et nos jardins, afin d’en scruter les moindres recoins à la recherche d’êtres fascinants dont on avait totalement ignoré l’existence jusque là ! Précisons enfin que le livre est illustré par François Place, ce qui ne gâte rien.(texte trouvé sur www.sitartmag.com)

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